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Les Petits Dej’ du PAJE

Yazid KHERFI, ancien braqueur aujourd’hui maître de conférence, consultant et responsable associatif est intervenu le 9 avril 2013 aux Petits Dej’ du PAJE. Son intervention s’intitulait « de la transgression à la transmission ».

"Je m’appelle Yazid KHERFI, je suis d’origine algérienne né en France, et j’ai habité dans le quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie.
Mon parcours de départ est un peu chaotique."

Trouver sa place à l’école, chez soi, dehors.

"A l’école je n’étais pas bon, et je crois que l’école ne m’aimait pas non plus. Je n’étais pas bon en maths, je n’étais pas bon en français, je n’étais pas bon dans plein de matières en même temps. Donc, je n’étais rien. Pour moi, je n’étais rien. J’ai eu de mauvais résultats à l’école. J’ai redoublé le CE2, j’ai redoublé aussi le CM2, et je n’avais pas le niveau pour aller au collège. Donc après…"

"Qu’est-ce qui fait que j’ai été différent de mes frères et sœurs ? Je me suis toujours posé la question. Pourquoi, moi, j’ai risqué ma vie. Pourquoi, moi, j’ai fait des conneries et fait de la prison alors que mes frères et sœurs ont toujours été honnêtes."

"Je n’ai pas volé pas tout de suite. Je me suis posé au début des questions. On se pose beaucoup de questions quand on est ado. Puis, après, mes copains m’ont dit : « si tu ne voles pas, tu ne fais plus partie de la bande  ». Alors, si tu ne marches pas avec ta bande, tu marches avec qui ? C’est finalement comme une famille. Il y a la famille à la maison, et il y a l’autre famille par défaut qui est la bande."

Délinquance et incarcération

"Qui dit délinquance dit prison. La grande majorité des délinquants passe par la case prison. Ca fait partie du parcours de délinquant. On assume, on accepte. Moi j’appelle ça « un accident de travail ». Quand tu as quelque chose que tu as mal fait, à un moment tu te fais choper. La prison, c’est un petit peu l’analyse de la pratique. "

"Un délinquant est quelqu’un qui commet des délits et qui se fait attraper. Quelqu’un qui commet des délits et qui ne se fait pas attraper, d’un point de vue juridique, on l’appelle « une personne honnête ». Pas vu, pas pris. Il y en a plein en France ! Il y en a qui se font prendre, et d’autres qui ne se font pas prendre. C’est comme ça."

Mobilisation générale qui crée un déclic

"Mes frères et sœurs avaient monté une association dans le quartier Val Fourré... ils ont mobilisé les travailleurs sociaux, ils sont allés voir les éducateurs, les gens de la mairie etc., en disant à tous qu’il fallait aller à ma commission des expulsions.
A ma commission d’expulsion, il y a eu beaucoup de monde. J’étais étonné. C’est là qu’il s’est passé comme un déclic. Même le Maire de Mantes : Paul PICARD, socialiste, est venu. Il y avait des habitants, des gardiens d’immeubles, des éducateurs,..."

"J’avais quand même 31 ans ! C’était la première fois de ma vie qu’on me disait que j’étais quelqu’un de bien. Durant toute ma vie, y compris dans ma famille, on m’avait toujours dit que j’étais un nul, un bon à rien. A l’école on me l’avait dit, les flics me l’avaient dit, les juges me l’avaient dit…"

photo sauvegarde 93 ADSEA

Insertion sociale et retour à l’école

"Alors, pendant un an, je fréquentais la Mission Locale bénévolement. C’est à partir de là que j’ai été intéressé par le travail social. Au bout d’un an, j’ai pu avoir mes papiers, je suis devenu animateur dans une maison des jeunes.
J’ai choisi le métier d’animateur parce que je me suis dit « mon boulot de maintenant sera d’aider les autres ». Le principe d’être animateur dans une maison des jeunes est d’accueillir les jeunes en difficultés et d’essayer de les changer. On peut les changer si on passe du temps avec eux."

"Puis je suis retourné à l’école... En faisant ces études, je me suis compris moi-même. J’ai compris pourquoi j’ai risqué ma vie, pourquoi j’ai fait des conneries, etc. J’étais passionné par ces études...
Grâce à ma licence, je suis devenu le directeur de la maison des jeunes."

S’occuper des jeunes

"J’étais d’accord pour diriger la maison des jeunes, mais à la condition qu’elle soit ouverte jour et nuit. Parce que je ne trouve pas normal que les maisons des jeunes et les centres sociaux en France aient les mêmes horaires que la Sécurité Sociale : 9 heures midi, 14heures 18heures, fermé la nuit et fermé le weekend."

"Il faut un lieu où les gens puissent se poser, boire un café, où on puisse recevoir les jeunes."

"La maison des jeunes était ouverte tant qu’il y avait des jeunes. Je préférais les voir avec moi dans la maison des jeunes plutôt que dehors à fumer et boire."

Délinquance, politique de la ville et Société

"J’ai beaucoup travaillé sur les phénomènes de bandes. Il y a beaucoup d’affrontements entre bandes, entre quartiers, entre villes. Sur ce sujet, j’ai souvent fait comme un médiateur. J’ai travaillé dans la maison des jeunes sur le rapport jeunes-police. Des fois, j’y ramenais des policiers et il y avait des débats. Y compris avec les jeunes qui détestent les flics !
Je travaille sur le concept de transformer la violence en conflit. Car la violence est destructrice mais le conflit est positif."

"Il y a eu beaucoup d’institutions qui m’ont sollicité pour me demander comment je bossais avec tel type de public, ou comment j’avais fait pour ouvrir une structure le soir, etc...de plus en plus de gens m’ont demandé d’intervenir. Sur plein de sujets : travailler sur les phénomènes de bandes, les jeunes et la police, l’ouverture des lieux en soirée, etc. C’est comme ça que je suis devenu consultant indépendant."

"Aujourd’hui, je travaille beaucoup en prison : dans des groupes de paroles avec les détenus, aussi bien dans les EPM (Etablissement Pénitentiaires pour Mineurs) que dans les prisons pour majeurs."

"J’interviens aujourd’hui dans la formation des surveillants de prison pour qu’ils connaissent mieux la population pénale... la première chose que je leur dis, c’est : « vous avez deux missions. La première c’est de maintenir les détenus en prison. La deuxième c’est de travailler sur leur réinsertion  »."

photo sauvegarde 93 ADSEA

Création de la médiation nomade

"J’ai également une autre casquette : je suis président d’une association qui s’appelle « Pouvoir d’Agir 93  ». J’y ai créé le concept de la médiation nomade.
J’ai un camion, j’ai un barnome, et je m’installe le soir dans un quartier : juste en face des halls où sont les jeunes. Je fais du thé à la menthe, du café, on a du jus de fruits et des paquets de gâteaux, on met de la musique, je ramène plein de monde même des gens de l’extérieur, et tout va bien."

Conclusion

"Les gens me disent que j’ai changé, mais moi je n’ai pas changé : je suis le même homme. Sauf qu’avant j’étais malhonnête, et qu’aujourd’hui je suis honnête..."


Pour voir l’intégralité de l’intervention de Yazid KHERFI, le document est disponible en téléchargement.

Mise en ligne le mercredi 27 novembre 2013
Modifiée le mercredi 27 novembre 2013