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Pour une politique avec ambition éducative en direction de l’enfance et la jeunesse

Position de la Sauvegarde de Seine-Saint-Denis sur la réforme de l’ordonnance de 1945, soutenue par les cinq autres Sauvegarde d’Ile-de-France.

photo sauvegarde 93 ADSEA

72% du dispositif de traitement de la délinquance des jeunes est réalisé par le secteur associatif habilité contre 28% par le secteur public. La place de la société civile et des associations qui ont développé des savoir-faire indéniables en la matière est aujourd’hui incontournable.

Les six associations de Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence de l’Ile-de-France prennent ainsi en charge, près de 34 000 enfants de la région, jeunes et adultes en difficultés sociales, dans les cadres de protection de l’enfance, traitement éducatif de la délinquance, prévention, médiation, insertion sociale et professionnelle, logement, formation des professionnels.

A ce titre, elles s’unissent aujourd’hui pour dire d’une seule voix combien la refonte de la justice des mineurs interroge le regard de notre société sur ses enfants et ses jeunes.

La refonte de la justice pénale des mineurs est annoncée de manière imminente. Première étape vers ce projet de loi, la commission Varinard a rendu son rapport le 3 décembre 2008. Il avait trois objectifs :

  • Assurer une meilleure lisibilité de l’application de la justice des mineurs,
  • Renforcer la responsabilisation des mineurs (par une graduation des réponses et la fixation d’un âge de minorité pénale),
  • Revoir les procédures et le régime pénal applicable aux mineurs.
    Bien que le rapport Varinard ne déroge pas aux principes constitutionnels et aux directives européennes, il insiste sur une représentation de la jeunesse délinquante d’abord dangereuse pour l’ordre public mais aussi sur l’idée que la justice doit être plus rapide.

Le rapport, sa médiatisation et les réactions qu’elles suscitent, bien au-delà du secteur social, viennent aussi rappeler avec force que la justice des mineurs est au cœur d’enjeux politiques majeurs pour la cohésion sociale.

Bien sûr, dans toutes les sociétés, il y a de la délinquance. Mais c’est aussi la société elle-même par sa production législative et règlementaire qui définit la délinquance. Plus la loi est précise dans sa définition des infractions, plus la société prend le risque de produire et multiplier de nouveaux actes de délinquance.

Quand une société génère plus d’exclusion, elle génère aussi plus de réponses policières et judiciaires.

Alors sur quel projet de société la justice souhaite t- elle s’appuyer ? Sur quel projet pour sa jeunesse et notamment de celle en difficulté ?

Pensée comme si elle allait régler l’insécurité d’un pays, la proposition d’un nouveau code pénal dédié aux mineurs, aurait à « tout régler ». « Comme si le changement du code de la santé permettait de supprimer la maladie ! »

Les enfants étaient, l’objet d’espoir pour la reconstruction de la France d’après guerre à la promulgation de l’ordonnance du 2 février 1945, première loi sur la justice pénale des mineurs. Ils sont, aujourd’hui, pointés comme le symptôme d’une société en crise économique, sociale voire comme des éléments dangereux à contenir et à punir.

En parlant de mineurs et non plus d’enfants il est sous-entendu qu’en matière de délinquance, on n’a plus à faire à des enfants.

Les termes d’enfant, adolescent renvoient à un processus de construction d’un être en devenir, un être que l’on peut éduquer. Ils impliquent une notion d’évolution, de développement. L’avenir de la jeunesse repose d’abord sur l’éducation, la formation, l’accès au logement, ... , l’espoir et la justice.

Comment alors un enfant délinquant, longtemps considéré comme en danger est aujourd’hui défini, par son seul acte transgressif ?

Le juge des « mineurs » ne serait-il plus alors concerné que par l’acte, sans tenir compte de la capacité de changement des enfants ?

Pourtant comment concevoir une sanction sans qu’une action éducative travaille, au préalable avec l’enfant, sur les causes qui l’ont conduit à poser des actes de délinquance ? Comment concevoir une sanction éducative juste si le jeune n’est pas soutenu dans son évolution personnelle et son apprentissage de la citoyenneté ?

Une politique pénale ne peut pas être déconnectée d’une politique éducative. En ce sens, un Code dédié à la justice pénale des mineurs est complètement différent du Code des mineurs souhaité par la Défenseure des Enfants, parce qu’il crée une cloison étanche entre la justice pénale et toutes les mesures de protection de l’enfance d’aide éducatives aujourd’hui décidées dans un cadre judiciaire civil.

La justice pénale des mineurs semble vouloir prendre la place de l’Autorité qui se serait peu à peu extraite de la scène de la protection de l’enfance : le Juge des enfants, garant de l’intérêt supérieur de l’enfant est aujourd’hui confronté, comme toute notre société, à une multiplication des normes sociales qui rend la tâche plus complexe où l’adhésion de la famille est davantage recherchée. En est-il pour autant incapable de protéger les enfants en danger au point de leurs préférer le statut de mineurs dangereux ?

Sans omettre que la sanction est utile, à la condition d’avoir une visée éducative,
Sans rejeter que dans des situations exceptionnellement graves, la contention d’un mineur est le seul moyen de mettre un coup d’arrêt à son élan destructeur,
la refonte de la justice des mineurs ne doit pas nier les besoins d’éducation, comme préalable.

Le rapport Varinard appuie ses propositions sur l’idée que la défaillance de l’autorité parentale est la seule cause de la délinquance des mineurs. Il poursuit un l’affaiblissement de son soutien en préconisant des sanctions pénales pour les parents et une seule aide par l’information sous forme de plaquette. Comment rendre crédibles des parents aux yeux de leurs enfants s’ils sont sanctionnés comme « mauvais parents » par la justice ? Pourquoi ne pas développer l’aide parentale préventive ?

Pour un débat sur un projet de société pour les enfants et la jeunesse, et une Loi-cadre, en direction de la jeunesse.

Devant les enjeux de cohésion sociale que représente la refonte de la justice des mineurs,

Les associations de sauvegarde de l’enfance et l’adolescence d’Ile-de-France souhaitent

  • L’intégration de la refonte de la justice des mineurs à une loi cadre pour la jeunesse. La jeunesse ne doit pas être limitée aux mineurs de 12 à 18 ans, commettant des infractions mais doit être considérée dans sa globalité : pour des jeunes jusqu’à 25 ans et dans leurs difficultés plurielles (insertion, logement, éducation, protection, ....)
  • L’organisation d’un débat public et politique sur un projet de société pour les enfants et la jeunesse, avant la promulgation de cette loi cadre, sous forme de concertation de tous les acteurs de la société.

Sauvegarde de l’enfance et l’adolescence
de la Seine-Saint-Denis

Catégories : Prises de positions

Mise en ligne le mardi 9 octobre 2012
Modifiée le vendredi 9 novembre 2012