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L’économie parallèle : une des difficultés selon l’équipe de Noisy-le-Grand

Dans les quartiers d’intervention, les éducateurs vont à la rencontre des jeunes dans les espaces publics qu’ils fréquentent. Ces moments sont importants pour l’éducateur de rue. Le sens de ce travail est d’être connu et reconnu par les jeunes et les familles, de créer une relation de confiance pour répondre à leurs besoins et leurs demandes.

En anecdote à Noisy-le-Grand, 2 jeunes de 18 ans ont été interpellés par la police pour détention de cannabis et trafic de stupéfiant. L’éducateur les rencontre dans la rue et ils sollicitent une aide.

L’éducateur témoigne :

C’est alors que je les invite au local qui se situe au cœur du quartier. Ils me demandent de les accompagner au tribunal pour assister à leur jugement. Après vérification, je m’aperçois que leur jugement a eu lieu la veille. Avec leur autorisation, je téléphone donc au greffier du tribunal pour me renseigner sur le verdict. Il m’annonce que ces jeunes ont été jugés par défaut et ont été condamnés à une peine de 6 mois ferme pour l’un et 6 mois avec sursis pour l’autre.
Après un échange avec eux, je leur ai proposé de faire une expérience. Il était question de calculer la rente de leur trafic et les heures passées devant les halls d’immeuble.

Je leurs pose la question suivante « Vous commencez à quelle heure pour vendre votre cannabis ? » Les jeunes me répondent « vers 11h du matin et on finit vers minuit ». L’éducateur « Vous gagnez combien par jour ? » ; d’un air hésitant, les jeunes rétorquent « entre 50 et 100 euros ». Je réponds « bon, nous allons procéder à un calcul d’une moyenne de 70 euros par jour pour 13 heures de travail, 70 /13= 5,38 euros alors que le smic fait plus de 9 euros par heure ». Je poursuis dans cette logique « dans une entreprise classique, vous avez un contrat de travail et une protection sociale. Dans ce mode d’activité, il n’y a aucune garantit mais beaucoup de risque. Le risque d’aller en prison, de payer des amendes et de rémunérer des avocats. De plus, dans le milieu carcéral, vous n’avez aucune rémunération et il faut « cantiner ». Cela veut dire que vos familles seront obligées de vous envoyer des mandats. »

Les jeunes ont pris conscience que les faits sont graves et lourds en conséquence. L’éducateur a pu après ces échanges entreprendre des démarches avec l’un des jeunes en l’orientant vers l’EPIDE (établissement pour l’insertion dans l’emploi). Actuellement, il occupe un poste en intérim et il vit en concubinage.

L’autre jeune a été incarcéré 6 mois et à sa sortie de prison, il a récidivé pour les mêmes raisons. Il sollicite encore son éducateur pour des démarches d’insertion ou autres ; certains jeunes ont plus de difficulté à s’insérer que d’autres. Le problème récurrent des éducateurs est l’économie parallèle. Les jeunes quittent l’école très tôt, pensant qu’ils vont intégrer de suite un emploi bien rémunéré. Ils ignorent qu’il faut passer par des étapes pour se former et trouver un emploi. Ils n’ont plus les moyens de se projeter vers l’avenir et tombent dans une spirale qui peut durer plusieurs années, sans évaluer les dangers (règlements de compte, conflits du voisinage, conflits avec la police…)

Ali
Educateur Spécialisé à Noisy-le-Grand

Mise en ligne le jeudi 7 avril 2016
Modifiée le mercredi 20 avril 2016